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Portée d’une transaction

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Cassation sociale, 2 décembre 2009, n° 08-41665 et Cassation sociale, 8 décembre 2009, n° 08-41554

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La transaction est le contrat par lequel les parties cherchent à éviter un litige ou à y mettre fin en faisant des concessions réciproques. En concluant une transaction, un employeur et un salarié acceptent ainsi que le différend qui les oppose puisse se régler par un accord plutôt que par un procès.


Portée de la renonciation à agir en justice

Il résulte de cette définition que seules les questions qui ne sont pas traitées par une transaction peuvent encore faire l’objet d’une discussion devant un tribunal. Autrement dit, toutes les demandes en justice liées à l’objet de la transaction doivent être déclarées irrecevables par les juges saisis.
Il est alors tentant pour un employeur d’insérer dans une transaction une clause par laquelle le salarié accepte de renoncer à demander en justice le paiement de toutes les sommes d’argent liées à l’exécution et à la rupture de son contrat de travail.

L’effectivité d’une clause générale de renonciation à agir en justice reste toutefois incertaine, comme en témoigne un arrêt de la Cour de cassation rendu le 2 décembre 2009.
En l’occurrence, un salarié avait été licencié pour motif économique, puis avait conclu une transaction par laquelle il recevait une indemnité transactionnelle de 5 000 € en plus de son indemnité légale de licenciement et des sommes normalement dues en raison de la rupture de son contrat de travail. En contrepartie, le salarié licencié avait signé une clause de renonciation rédigée de la manière suivante : « M. X... accepte la somme ci-dessus fixée comme son solde définitif et sans réserve. Il n'a aucune réclamation à formuler à l'encontre de la société, que ce soit à titre de salaire, congés payés, remboursement de frais, primes diverses ou autres sommes ou avantages quelconques consécutifs à l'exécution ou à la résiliation de son contrat de travail, en application de la loi comme de tout accord collectif. »

En dépit de l’étendue de cette clause, le salarié a tout de même obtenu en justice le versement d’un complément d’indemnité conventionnelle de licenciement. Pour les magistrats saisis, l’employeur et le salarié n’avaient en réalité pas eu l’intention d’intégrer le complément d’indemnité conventionnelle de licenciement dans l’objet de cette transaction. La formulation très générale de la clause de renonciation ne liait pas les juges qui restaient donc libres de rechercher l’intention réelle des parties.


Sort des droits non encore acquis au moment de la rupture

Dans un autre arrêt, daté du 8 décembre 2009, la Cour de cassation s’est prononcée cette fois sur la possibilité, pour un salarié, d’exercer l’option de souscription d’actions attribuées plusieurs années avant son licenciement. En l’occurrence, un employeur avait refusé à un salarié licencié son droit d’opter en faisant valoir qu’il avait signé une transaction par laquelle il renonçait à « tous les droits et actions qu’il pourrait tenir, tant du droit commun que des dispositions de la convention collective et de son contrat de travail […], chaque partie renonçant de la manière la plus expresse à formuler l’une contre l’autre la moindre réclamation à quelque titre que ce soit et pour quelque cause que ce soit ».

Le refus par l’employeur de permettre au salarié licencié de toucher les plus-values liées à la levée de l’option sur les actions souscrites est toutefois jugé illicite par la Cour de cassation, qui confirme ainsi la décision de la Cour d’appel de Paris d’attribuer au salarié la somme de 208 528 € correspondant à ce qu’aurait produit la levée des options.
Cette décision s’explique d’abord par le fait que la levée d’option restait possible pour le salarié après son licenciement. En effet, le règlement du plan d’options de souscription ou d’achat d’actions n’interdisait la levée des options qu’en cas de démission ou de licenciement pour faute grave ou lourde, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.
Elle s’explique aussi par le fait que le salarié n’était pas encore en mesure de lever ses options au moment de la rupture de son contrat de travail. Ce droit n’étant qu’éventuel, le salarié ne pouvait donc en principe pas pouvoir y renoncer dans le cadre d’une transaction. Pour être valable, la transaction ne doit être conclue qu’une fois la rupture du contrat intervenue et définitive. Lorsqu’elle fait suite à un licenciement, la date de la transaction doit être postérieure à la date de la réception de la lettre de notification du licenciement par le salarié. Et si cette condition n’est pas respectée, la transaction peut être annulée en justice. Plus généralement, on notera que les tribunaux adoptent traditionnellement la même solution à chaque fois qu’est en cause un droit non encore acquis au moment de la rupture du contrat de travail. Ainsi, une transaction rédigée de manière très extensive n’emporte pas renonciation du salarié à bénéficier de la contrepartie financière à une clause de non-concurrence ou de sa priorité de réembauchage puisque, dans un cas comme dans l’autre, le droit reconnu au salarié ne devient un droit acquis qu’une fois la rupture du contrat de travail effective.


Conditions de validité d’une transaction

À l’exception des cas, assez rares, où la transaction a pour objet de régler un différend relatif à l’exécution même du contrat de travail, les employeurs et les salariés y ont surtout recours pour terminer ou prévenir une contestation suite à une rupture unilatérale du contrat de travail, soit à l’initiative de l’employeur (licenciement), soit à l’initiative du salarié (démission). Dans un cas comme dans l’autre, la transaction doit respecter certaines conditions.


Moment de la conclusion d’une transaction

Pour être valable, la transaction ne doit être conclue qu’une fois la rupture du contrat intervenue et définitive. Lorsqu’elle fait suite à un licenciement, la date de la transaction doit être postérieure à la date de la réception de la lettre de notification du licenciement par le salarié. Et si cette condition n’est pas respectée, la transaction peut être annulée en justice.

Attention les magistrats considèrent qu’une transaction conclue après un licenciement notifié par une lettre simple ou par une lettre remise en main propre est nulle.
Lorsqu’elle fait suite à une démission, la transaction doit être conclue postérieurement à la remise de la lettre de démission. Et dans l’hypothèse où les juges seraient convaincus que la transaction a été signée antérieurement ou concomitamment à la remise de la lettre de démission, elle pourrait alors être annulée par les juges.
Conseil si la lettre de démission n’a pas été envoyée par lettre recommandée avec avis de réception ou remise en main propre contre décharge, il est utile d’établir avant la conclusion d’une transaction un document par lequel le salarié indique à quelle date il a remis sa lettre de démission à l’employeur.
Nécessité de concessions réciproques

Une autre condition de validité d’une transaction réside dans l’existence de concessions réciproques de la part des parties signataires. Pour le salarié, la concession consiste généralement dans l’engagement de ne pas agir en justice pour obtenir certaines indemnités qui lui sont normalement dues. Pour l’employeur, la concession consiste souvent à allouer des sommes d’argent supérieures à celles qu’il devrait normalement verser en vertu de ses obligations légales ou conventionnelles.
Précision les concessions réciproques s’apprécient à la date de conclusion de la transaction.
Et les juges se montrent particulièrement vigilants sur les concessions que peuvent faire les parties à la transaction. Non seulement elles doivent accepter de faire des concessions, mais celles-ci ne doivent pas être dérisoires. En revanche, les tribunaux n’exigent pas que les concessions soient nécessairement d’importance égale.
Exemple a été jugé comme une concession insuffisante le versement par un employeur d’une indemnité transactionnelle inférieure à l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement, alors que le licenciement en question n'était clairement pas motivé par la faute grave du salarié.


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